J’aime beaucoup cette phrase de Walter Badet : « Quand tout va bien, tout va bien, tu t’occuperas de ce qui ne va pas quand ça n’ira pas ». Je la trouve à la fois simple, claire et imagée. Car combien de cavaliers, que ce soit en selle ou à pied, entretiennent le mouvement, portent leur cheval… Moi la première si je ne fais pas attention.
Pourquoi ? Car nous avons peur ! Peur qu’il repasse au trot ou au pas, peur qu’il n’aille pas dans la direction souhaitée, peur qu’il se déconnecte… Alors par peur de quelque chose qui pourrait potentiellement arriver, nous anticipons « au cas où », nous voulons garder le contrôle… Et souvent, nous faisons pareil dans la vie : par peur que notre partenaire nous quitte, que notre amie ne nous aime plus, que quelqu’un nous vole ou nous trahisse, qu’une pénurie arrive ou quoi que ce soit d’autres : nous anticipons ou cherchons à garder le contrôle sur nos proches et notre environnement : « au cas où ». Sauf que personne ne connaît l’avenir et peut-être que ce qui nous fait peur n’arrivera jamais. Alors avons-nous du temps et de l’énergie à perdre pour contrôler et tenter d’empêcher quelque chose d’arriver alors que peut-être, elle n’arrivera jamais ? Et n’est-ce pas usant pour notre entourage ?
Pour nos chevaux, non seulement, cela ne doit pas être agréable de se faire « porter » à chaque foulée, que ce soit avec des coups de talon dans le ventre ou des coups de stick sur le sol, mais cela n’est pas compréhensible. Dire à un cheval qui trotte : « trotte, trotte, trotte… », que cela peut-il signifier pour lui ? Comment peut-il comprendre une demande alors qu’il fait déjà le mouvement ? Nous pourrions imaginer sa réaction : « Ba qu’est-ce que tu veux de plus ? Je trotte déjà ! ».
Ne pas rester sur son dos !
Je prends souvent l’image d’un enfant à qui on demande de ranger sa chambre. Lorsqu’il se met à la ranger, vous imaginez-vous derrière son épaule à lui dire toutes les secondes : « range ta chambre, range ta chambre, range ta chambre… » ? Très agaçant pour lui et fatigant pour vous. D’ailleurs, quand je le fais à mes élèves ou mes stagiaires, ils rigolent car c’est très vite insupportable.
« Quand tout va bien, tout va bien » : si le cheval trotte alors que vous lui avez demandé de trotter, que votre enfant range sa chambre alors que vous lui avez demandé, pourquoi continuer à lui demander : laissez-le prendre ses responsabilités.
Mais attention, cela ne veut pas dire baisser complètement la garde. Vous pouvez surveiller d’un coin de l’œil, être attentif, concentré, dans le moment présent pour pouvoir réagir si le cheval repasse au pas, si votre enfant arrête de ranger sa chambre. Et alors, vous pourrez lui redemander. Mais laissez-le faire l’erreur (même si je n’aime pas ce mot dans ce contexte). Vous vous dites peut-être : « oui mais si je fais ça et qu’il repasse sans arrêt au pas, c’est énervant / frustrant / pas pratique ». Bien sûr ! L’idée est de rendre suffisamment inconfortable le passage au pas pour que le cheval choisisse de rester au trot. Et cela se décline pour n’importe quelle demande. C’est ainsi que nous aurons des chevaux qui se responsabilisent, que nous ne devons pas porter et qui seront à l’écoute de nos demandes.
Car en leur répétant toutes les secondes : « trotte, trotte, trotte… », nous créons un bruit de fond qu’il va ignorer vu que cela ne veut rien dire pour lui (il trotte déjà) et petit à petit, il va apprendre que la majorité du temps, nous parlons sans qu’il ait besoin de nous écouter. Alors que si nous chuchotons à chaque demande tout en étant assez ferme sur le fait qu’il écoute et réponde (toujours avec bienveillance évidemment), il va devoir être très attentif à nous.
Peur de ce qui pourrait arriver
Enfin, il me paraît intéressant de nous pencher sur ce fonctionnement d’humains, sur cette peur de l’avenir et des « et si… ». Car au final, est-ce si grave qu’il repasse au pas ? Nous lui redemanderons le trot. Est-ce si grave qu’il se déconnecte ? Nous aurons le plaisir de tenter de le reconnecter ? Et cela est déclinable, même potentiellement pour des choses plus impactantes. Ce n’est pas toujours entendable sur le moment mais combien de personnes disent quelques mois ou années après la perte d’un emploi, après une maladie soignée, après un divorce : « c’est la meilleure chose qui me soit arrivée car j’ai changé ceci ou cela. » Sans aller forcément jusque-là, il peut être intéressant de se demander : de quoi ai-je peur quand je garde le contrôle, quand je continue ma demande sans cesse ? Suis-je comme ça dans mon quotidien ? Est-ce confortable pour moi et les autres ? Car vivre dans le futur et le passé est souvent source de stress et d’anxiété (nous anticipons en général le futur par rapport à ce que nous avons vu du passé : « j’ai peur qu’il m’embarque car il est émotif et il l’a déjà fait » alors que rien ne nous dit qu’il va le refaire). Est-ce que je peux profiter de ce que j’ai là, maintenant ? C’est génial : mon cheval trotte, mon cheval est connecté, mon cheval me suit… Je peux être neutre et dans l’économie de moyen. Ainsi, notre communication est épurée, précise, délicate… Pas besoin de crier, de s’agiter, de s’énerver, de s’épuiser… Nous chuchotons, nous proposons, et nous laissons faire. Rappelez-vous dans ces moments-là : « Tout va bien ! »
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